Il est urgent de réconcilier l’économie et le vivant !
Il est urgent de réconcilier l’économie et le vivant !

Il est urgent de réconcilier l’économie et le vivant !

Les priorités économiques doivent-elles forcément être en contradiction avec les intérêts de la planète, et donc des hommes qui l’habitent ?

Comment nos dirigeants, les décideurs, qu’ils soient à un niveau international, national ou local, peuvent-ils encore faire comme s’ils ignoraient les enjeux de notre époque ?

Maintenant, on en est certain, les intérêts économiques et le vivant ne font pas bon ménage. Quand on parle d’économie dans nos vallées, on parle industrie. Or comme on le constate malheureusement, l’industrialisation, parce qu’elle est bien souvent peu regardante des intérêts de la nature et de ses habitants (c’est-à-dire du vivant : végétal, animal et sa prolongation, l’humain) est de moins en moins compatible avec le maintien d’une harmonie dans laquelle humain et nature sont respectés.

Comment l’homme dit moderne a-t-il pu s’éloigner autant de cette harmonie ? Alors que notre planète brûle et que les experts sont formels quant à l’urgence à prendre en compte cette incompatibilité, alors que le secrétaire général de l’ONU crie au monde il y a quelques jours : « Nous n’avons plus une minute à perdre pour éviter le pire ! », comment les acteurs du monde économique et notamment ceux dont l’activité est la plus problématique, les industriels, mais aussi comment nos dirigeants, les décideurs, qu’ils soient à un niveau international, national ou local, peuvent-ils encore faire comme s’ils ignoraient les enjeux de notre époque ?

Jusque-là nous habitons un petit coin de paradis, de nature, de vivant, un petit coin où on aime se ressourcer loin de la brutalité du monde, un petit coin réputé pour sa beauté, son calme, ses animaux de plus en plus rares, une zone humide, usine à fabriquer du vivant, un petit coin où des fermes respectueuses de leur environnement et du rythme du vivant élèvent des bêtes dans la tradition de leurs ancêtres depuis des générations, un petit coin où des habitants ont choisi de vivre, voir grandir leurs enfants dans le respect du vivant, au plus proche de la forêt, des sources qui y coulent et des animaux qui l’habitent.

Ce petit coin de paradis ne fait pas qu’attirer les habitants des environs mais est aussi devenu un lieu emblématique de nos vallées pour les visiteurs venus des villes pour s’y ressourcer, pour renouer ce lien souvent distendu avec le monde naturel.

Sur ce petit coin, la Préfecture des Vosges, représentante de l’état, a décidé d’accorder à une entreprise drapée du titre d’entreprise « valeur Parc Naturel des Ballons des Vosges » l’autorisation de venir abattre des arbres centenaires, creuser un trou béant, faire venir des hordes de camions (dix par jour qui devront bien venir mais aussi aller), et y installer des concasseurs (mobiles, pour alléger les contraintes), dynamiter, scier, creuser encore et encore dans la roche.

Alors de nombreuses questions se posent.

Qui est ce représentant de l’état à ce point déconnecté des citoyens qu’il ne semble se préoccuper que des besoins de l’industriel ? Comment expliquer que les demandes des habitants ne soient pas entendues par ce représentant-là ?

Les habitants de ce petit coin préservé, pourtant les plus concernés par les funestes projets de l’industriel, auraient-ils moins de droits à faire valoir leur propre projet de vie ?

Qu’en pensent les ouvriers de l’industriel, ses chenilles ouvrières qui viendront abattre les arbres, creuser les trous, casser, dynamiter, concasser, prier pour qu’il pleuve, car ils ne sont pas sensés toucher à l’eau présente sur le site, même si leurs machines en requièrent de grandes quantités.

Que se passe-t-il s’il ne pleut pas ? Faudra-t-il monter des réserves d’eau ? L’absurdité ne tue pas, on le sait. N’est-il pas absurde d’aller creuser ce trou-là à cet endroit-là, difficile d’accès, site magnifique, réserve d’eau pour les habitants, emprunter de toutes petites routes de montagne qui n’ont jamais été pensées pour accueillir des camions 32 tonnes chargés de ces pierres âgées de 300 millions d’années qui seront devenues du vulgaire caillou concassé ?

Ne serait-il pas un peu moins absurde de pouvoir réfléchir ensemble, en concertation, à l’ensemble des enjeux liés à un tel projet et que chacun ait l’honnêteté et la transparence de dire ce qui va être fait de la roche extraite à Lansau. On nous parle de gris-bleu des Vosges de belle qualité mais des études disent qu’il n’existe plus sur ce site depuis longtemps. On nous parle de concassage mais on ne sait pas précisément dans quelles proportions.

Ensuite il nous faut nous poser la question de ce que nous voulons pour nos territoires : avons-nous besoin de plus de routes ou faut-il commencer à encourager les collectivités (elles sont le principal client de l’industriel) à développer d’autres orientations d’urbanisme telles que la végétalisation ?

Comment peut-on encourager le réemploi de ressources déjà existantes ? Les communes environnantes auraient des stocks énormes de bordures de trottoirs non utilisées.

Faut-il impulser une nouvelle ère dans nos cimetières en végétalisant les tombes plutôt qu’entretenir l’importation de pierres tombales chinoises aussi laides que coûteuses en empreinte carbone ?

La pierre est un matériau noble, aux multiples qualités, esthétiques, de solidité, de durabilité. Son usage en termes d’architecture extérieure et intérieure a un sens. L’usage du béton présente de multiples inconvénients en termes des pollutions qu’il engendre et le remplacer par la pierre locale est un argument fort.

Mais l’extraction de cette pierre de qualité doit répondre à un cahier des charges respectueux de l’environnement et des habitants et quand les conditions ne sont pas réunies il convient de trouver des alternatives créatives.

Existe-t-il des carrières qui présentent moins d’impact environnemental qu’à Lansau ? Existe-t-il des carrières loin des habitations et où les risques de pollution des nappes phréatiques, des cours d’eau sont moindres ?

Si ces carrières n’existent pas alors c’est le signe qu’il faut concentrer tous nos efforts vers le réemploi et accepter que notre monde ait besoin d’un changement fort. Et ce changement il n’est plus possible de le remettre à plus tard.

Les plus grands experts sont unanimes : l’effondrement de notre système a commencé. Nous ne pouvons plus consommer, exploiter, polluer, nuire à notre environnement comme nous l’avons fait depuis le développement de l’ère industrielle.

Il est maintenant de notre responsabilité collective de mettre en œuvre ce changement profond. Les pouvoirs publics, les politiques comme les citoyens doivent être les acteurs de ce changement. Il n’est pas acceptable que les annonces de nos politiques en matière de protection de l’environnement ne soient pas suivies d’actes. Le citoyen n’acceptera plus longtemps cette incohérence qui s’apparente de manière de plus en plus claire à du mensonge.

Car si le politique ne s’empare pas de cette question de manière sérieuse et loyale, il laisse la place au totalitarisme qui sera peut-être un jour un totalitarisme vert mais qui n’en sera pas moins un totalitarisme. Notre civilisation mérite-t-elle mieux que cela ? Il ne tient qu’à nous d’en décider.

ML, le 4 avril 2023

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