Une démonstration de force.
Cette semaine au col des Hayes on prend chaque jour, comme autant de claques, des leçons de travaux publics.
On réalise notre naïveté dans la vision de ces travaux. Ce chemin forestier, pavé dans sa partie la plus raide avec des blocs de granits extraits à l’ancienne, il était si pentu, si champêtre, si exigu que l’on moquait l’idée d’y faire passer des camions de 32 tonnes. Cela nous semblait illustrer l’aberration totale de ce projet de réouverture d’une carrière à cet endroit (à la lecture de ces lignes les dirigeants de la carrière se moqueront à leur tour).
Cette semaine un homme seul, aux commande de sa pelleteuse bleue flambant neuve, casse des cailloux toute la journée. Un seul employé conduit ce chantier et réalise, de son point de vue, une oeuvre de voirie parfaite. Il mérite certainement, sans ironie, d’être reconnu pour son savoir-faire. Qui ne rêve de fondations solides pour sa maison ou l’école de ses enfants ? Mais c’est une démonstration d’efficacité dont on se passerait bien ici, car elle se veut surtout démonstration de force.
Car elle produit un volume de nuisance sonore qui dépasse les seuils annoncés et qui colonise ce petit vallon d’altitude où nous accueille d’habitude le murmure du paysage.
À l’issue de ces deux semaines de travaux, l’unique employé nous démontre que la force mécanique se joue des résistances et du silence de la montagne. Sur ce chemin vernaculaire, devenu rampe d’accès à la déclivité contrôlée, nous réalisons que la réalité est déjà au delà de ce que nous imaginions.
Le risque est que cette naïveté vis à vis du projet de réouverture de la carrière soit encore trop présente chez les habitants des communes concernées. Soit qu’ils le minimisent, soit qu’ils le considèrent avec l’affection que l’on a pour les images des carrières du passé et la nostalgie qui s’attache à une époque révolue. Sentimentalisme de musée qui facilite l’adhésion tacite à ce projet, une adhésion par défaut, dénuée de réflexion sur les usages, les bénéfices et les conséquences réelles de l’industrie du granit dans une époque de basculement climatique et sociétal.
Depuis quinze jours, avec la redéfinition autoritaire du site du col des Hayes, Graniterie Petitjean met en œuvre sa vision de l’avenir de ce lieu. Tout sauf naïve.
Nous prenons acte.