Retour sur une rentrée mouvementée !
Le lundi 21 aout 2023, au col des Hayes, les travaux préliminaires à la réouverture de l’ancienne carrière de Lansau ont débuté par un coup de pelleteuse. En quelques jours, le bosquet de feuillus qui bordait le parking du col a disparu, nivelé en aire de stockage pour des blocs de granit.
Puis le brise-roche est entré en action dans le chemin public qui monte du parking vers la forêt du Pechin, afin d’en rectifier la pente pour en faire une rampe d’accès à la carrière. En dix jours, un seul employé, aux commandes d’un engin dopé au pétrole, a élargit et empierré ce chemin pour permettre les allers-retours des camions chargés de concassé.
Or ce chemin reste le seul passage public du col vers la forêt. Ainsi, 160 jours par an, les promeneurs s’y retrouveraient nez à nez avec des engins de 32 tonnes ?
Après dix jours de brise-roche, le calme est revenu au Pechin. Le chantier est resté inactif deux semaines, jusqu’au mercredi 13 septembre. Ce matin-là, une tronçonneuse est entrée en action au Pechin pour abattre tous les arbres inclus dans la zone d’extension visée par la carrière.
Alertées tôt le matin par la chute des premiers arbres, trois adhérentes de l’association sont immédiatement parties vers la forêt, accompagnées de leurs enfants et d’un conjoint. Sur le site elles ont expliqué au bûcheron, heureusement compréhensif, que notre association conteste l’autorisation du chantier qu’il débute. Elles l’ont informé que nous allions déposer au tribunal une requête en référé suspension pour demander l’arrêt immédiat des travaux liés à la réouverture de la carrière, dont la coupe à blanc qu’il devait réaliser. Cette décision d’aller au référé, nous l’avions votée la veille, lors de notre réunion de bureau, sans savoir encore qu’une nouvelle tranche de travaux débuterait le lendemain matin !
Notre avions décidé de déposer une requête en référé suspension pour obtenir, dès qu’une urgence l’exigerait, la suspension immédiate de travaux pouvant provoquer des dommages irréversibles dans l’environnement. Or c’était bien le cas en ce qui concernait la coupe programmée de 200 arbres de cette forêt de hêtres, érables, épicéas et sapins. Une forêt équilibrée, où l’on ne voit aucun arbre malade, au contraire des plantations alentour dévastées par les scolytes.
Nous remercions pour leur compréhension l’exploitant forestier, le responsable de l’Office National des Forêts et le représentant de la mairie de Saulxures, pour l’accord que nous avons trouvé au pied des arbres, puisqu’ils ont accepté de suspendre le chantier d’abattage jusqu’au verdict du référé. Lequel nous a, un mois plus tard, donné gain de cause.
En effet, l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nancy, en date du 13 octobre 2023, suspend l’autorisation préfectorale 2022 de rouvrir et agrandir l’ancienne carrière. La décision du juge est motivée par le manque d’une évaluation environnementale et l’absence d’exploitation depuis plus de trois ans. Précisément les points sur lesquels porte notre action.
Seuls quelques arbres furent coupés finalement au Pechin. Cependant, ce verdict favorable à notre action de préservation du vivant n’est qu’une victoire d’étape, car le jugement sur le fond au tribunal administratif n’aura lieu qu’en 2024. Et la victoire que nous espérons alors ne sera pas complète si elle ne déclenche pas chez nos concitoyens une double prise de conscience :
– la prise de conscience de la réalité écologique globale et donc de la nécessité de dire stop au gaspillage infini des ressources naturelles, au prétexte que l’économie ne pourrait s’en passer ;
– la prise de conscience qu’il existe des alternatives économiques résilientes pour renforcer le tissu des activités et des emplois locaux, afin de résister aux turbulences climatiques et sociales qui s’annoncent.
Note de mise à jour de novembre 2023
Un problème s’est tout de suite posé à nous face à l’exploitant forestier, que notre action mettait directement au chômage. Il nous a dit qu’il n’était pas trop surpris de notre intervention, puisqu’il avait déjà entendu parler de notre lutte pour ce petit territoire, mais que ce chantier était essentiel pour son entreprise.
Nous lui avons expliqué nos arguments pour contester l’autorisation préfectorale, ce qui ne change rien au fait que ce bucheron indépendant, mandaté par la commune de Saulxures-sur-Moselotte pour la coupe rase d’environ 200 arbres sains, est celui qui subit malgré lui les conséquences concrètes de notre requête en référé suspension. Il a dû renoncer à ce chantier et à ce revenu, équivalent à deux-trois semaines de travail, un important manque à gagner dans un contexte actuellement difficile pour cette profession.
PECH n’est en aucun cas responsable des lacunes du dossier de la graniterie et de l’autorisation préfectorale, lacunes que notre association pointe depuis deux ans et qui vient de motiver la décision du juge des référés de suspendre les travaux.
Mais pour PECH, le respect du vivant est indissociable du respect que nous devons à chacun et notamment aux travailleurs, comme ce forestier en charge du chantier interrompu. Pour marquer notre solidarité avec lui, nous avons mis en place une cagnotte de soutien.
Note de mise à jour de fin novembre 2023.
Suite à notre victoire au référé suspension, nous savions que la partie adverse avait la possibilité de se pourvoir en cassation auprès du Conseil d’État. Début novembre, nous apprenons que c’est chose faite. Mais ce pourvoi doit maintenant être reçu par le Conseil d’État, ce qui ne va pas de soi pour la graniterie, car les arguments qu’elle peut faire valoir ne doivent pas être très différents de ceux rejetés le 13 octobre dernier par le juge des référés de Nancy.
Mais c’est tout de même une nouvelle étape dans la procédure judiciaire et cela demande à notre association d’anticiper et de se préparer pour un éventuel jugement au Conseil d’État.